vendredi 17 juin 2016

Team Tage (und Ich)


Les 23 et 24 juin, toute l’équipe de la kita se réunit pour passer deux jours ensemble du côté de Berlin avec au programme activités ludiques et discussions pédagogiques.
La première personne à m’avoir demandé naturellement si je venais fut Daria, ancienne volontaire, conviée à cette journée l’an dernier et bien sûr cette année puisqu’elle est désormais stagiaire en formation à la kita. J’ai donc appris par son biais l’existence de ces deux journées que je trouve super pour la cohésion de l’équipe.
  
Puis quand plus tard ma collègue C. m’a demandé elle aussi si je venais, il a bien fallu que je me rende à l’évidence : je n’avais pas été invitée ni même tenue au courant par ma Mentorin (qui est aussi directrice adjointe). 
Le jour de mon anniversaire, sur la table de la salle de pause, figurait la liste avec tous les noms de l’équipe pour la  Team Tage (pour connaître les allergies alimentaires etc.) à l’exception du mien. 
Cela m’a renvoyée à un autre détail. Nous vivons en colocation dans un autre Kindergarten de Jeunesse et Sport, et j’ai très vite repéré la photo de Lorenzo, qui y était alors volontaire, au milieu de celles des autres membres de son équipe. A ma kita, depuis 9 mois, je suis « invisible » : nulle part ma photo ni mon prénom ne figure. Si bien qu’un parent m’a dernièrement appelée Daria (l’ancienne volontaire). Et je ne peux pas lui en vouloir. 

Pourtant moi aussi j’ai nettoyé, fait du rangement, habillé les enfants, préparé la sieste, servi les repas, organisé les Morgenkreis (toujours prévenue à la dernière minute), lu des histoires, consolé les uns, encouragé les autres, soigné les bobo, passé des heures dans le froid, tourné dans tous les groupes pendant les absences des unes et des autres, mené mes ateliers, dit « oui » quasiment tout le temps aux demandes qui me tombaient dessus (la dernière en date : dessiner en une heure le logo pour les 200 entrées de la fête de l’école). Bref, depuis 9 mois, même si ces derniers temps je suis moins présente avec mes cours d’allemand, J’Y SUIS dans cette équipe. 

Alors il y a trois jours, alors que j’avais le cœur gros d’avoir eu sous les yeux cette fameuse liste, quand ma collègue A. s’est pointée dans la salle en me gueulant dessus qu’elle n’était pas ma femme de ménage et que j’ai répondu estomaquée « oui bien sûr » me dépêchant d’interrompre ce que je faisais avec les enfants pour prendre un balai, voilà ce que j’aurais aimé lui dire : 


« Ecoute moi bien A., aujourd’hui en même temps qu’on m’a offert un bouquet, on m’a aussi annoncé que je serai seule avec un groupe d’enfants pour cause d’absence de notre autre collègue. Ce n’est pas nouveau et j’ai géré du mieux que j’ai pu. Cet aprem, t’as pris ta longue pause comme d’habitude et j’ai eu les 2 groupes pour moi seule. Du coup quand les enfants m’ont demandé de faire leur découpage, même si je savais que ce serait le bazar ensuite, je n’ai pas voulu leur dire « non » et provoquer une résistance que je n’avais pas la force de gérer. Alors quand tu t’es enfin pointée dans la salle, effectivement j’ai cru que tu reprenais le groupe en main et que je pouvais continuer mon activité dans l’autre salle où il n’y avait pas d’adulte présent.
(et j’aurais bien rajouté : quant à la femme de ménage, c’est qui qui se tape tous les jours le temps du caca/pipi post-repas et le brossage de dents de 30 enfants dans des toilettes qui ne sentent pas la rose ? Et qui est-ce qui te permet de rester tranquilou avec 5 enfants à l’intérieur chaque aprem pendant qu’elle part seule dans le jardin avec les autres ? Tout ça sans être payé alors qu’avec tes 1000 et quelques euros par mois tu peux te payer une vraie Putzfrau pour ramasser des bouts de papiers dans la salle si ça te chante ! Ah ben non, tu m'as sous la main !)
Bref, tout ça aurait pu être vécu différemment : - A. me formule sa demande sur un autre ton.
- Je reprends le groupe de découpage pour qu'on procède tous ensemble au rangement pendant qu'elle gère l'autre groupe.
Mais à la place elle est carrément partie après son speech, et je me suis retrouvée seule, en colère, à houspiller à mon tour ceux qui étaient encore près des tables et balayant avec amertume. Les enfants en Allemagne comme en France ne sont pas fans de l'étape rangement surtout quand on les presse au milieu de leur activité parce qu'il y a autre chose de prévu (le goûter, aller dehors etc.). Si par contre on accorde un moment précis où tous mettent la main à l'ouvrage, cela fonctionne très bien, surtout que l'aménagement et le matériel adapté contribuent à faciliter cette tâche. 

Pour précision, je préfère largement me rendre dans le jardin avec les enfants que passer des heures à l'intérieur dans un brouhaha intenable et je me suis habituée à ce défilé dans les toilettes et à leur éternelle question : Sara bin ich fertig ? (= Sara est ce que je me suis bien brossé les dents ?). Et avec A. le fait que je fasse ces tâches là ont permis à nos rapports d’être stables, voire même de travailler dans une bonne entente, avant qu’elle ne pète les plombs ce fameux jour sans doute à cause du stress.


Ce problème d’intégration dans une équipe n’est pas nouveau pour moi puisque de par mon travail d’animatrice et mes nombreuses formations j’ai travaillé dans différentes structures. 
J’ai ainsi pu ressentir parfois des sentiments d’exclusion (collègues d’une école bilingue qui ne parlent seulement qu’en basque au moment des repas alors que je suis la seule à ne pas comprendre, groupe de BPJEPS qui me choisit pour bouc émissaire le temps d’un internat). Fort heureusement j’ai aussi vécu plein d’expériences où le groupe accepte tout un chacun par le biais d’activités communes, de moments (les « comment ça va ? » par exemple) où chacun prend la parole pour parler de ses ressentis, des temps de jeux, de cuisine etc. 

Notre tutrice Vita a dernièrement reçu comme nouvelle mission de se rendre dans nos Kita afin de mieux expliquer le rôle du volontariat, mais notre place au sein des équipes n’est pas encore claire selon moi. Ersatz de personnel manquant ? Futur stagiaire ? En effet, la plupart des volontaires reste ensuite pour faire un Ausbildung (formation de 3 ans, pour ensuite travailler en kita). 

Ce n’est pas mon cas et le fait que je vais partir met sans doute aussi un frein à mon intégration. Car j’ai pensé à des tas de bonnes raisons de ne pas avoir été conviée à ces journées : - mon niveau de langue encore trop bas pour tout suivre, - cadeau de la maison : un jour de congé en plus :) (je reste fixée sur cette raison pour le moment :) ), - je n’ai jamais été présente aux réunions d’équipe pourquoi je devrais soudain mettre le nez dans leur travail etc . 

Il est évident que j’ai toujours fait changer les choses en osant prendre la parole et que j’aurais pu toquer à la porte, brandissant la liste en disant : pourquoi pas moi ? (mais je suis sûre que je vais trouver de quoi m'occuper ce jeudi)

Le lundi d’après, j’espère revenir dans une équipe soudée, qui fonctionne mieux, et que je gagnerai aussi de ces journées par ricochet. Il me restera alors 3 mois de travail à passer je le souhaite dans une belle atmosphère en donnant aussi de mon côté pour que ça fonctionne. 
J’ai des collègues aimables, souriantes et la plupart toujours ouvertes à la conversation donc ce sentiment d’avoir été « mise sur la touche » pour les bons moments et d’être utilisée comme un pion corvéable pour les autres va passer (ou pas.. mais ce sera quand même une expérience de plus de vécue pour l’organisation de futures vies de groupe).


J’avais besoin d’écrire ce speech pour laisser sortir cette émotion de colère/tristesse bloquée là et repartir sur un bon pied, le cœur ouvert.


Et pour finir sur une touche positive, ma colloc Inna a été invitée au mariage d'une de ces collègues samedi et lui a préparé ce très joli "luminaire" (d'après un tuto youtube et un brin de fantaisie)






Bonus :


Chanson extraite de « Sommer in Orange » . 9 mois plus tard, premier film que je regarde en allemand (sans sous-titres anglais ou français)

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